Comment prouver les heures supplémentaires ?
1. En principe, la durée légale du travail des salariés soumis à un régime de décompte horaire est fixée à 35 heures par semaine civile.
Les heures accomplies au-delà donnent lieu à une compensation soit sous forme de majoration salariale (dont le taux correspond, en principe, à 25% pour les 8 premières heures et à 50% au-delà), soit sous forme de repos compensateur équivalent.
La Cour de cassation est venue préciser que constituent des heures supplémentaires ouvrant droit à compensation : celles accomplies à la demande ou pour le compte de l’employeur, ou avec son accord implicite (Cass. soc. 8 juillet 2020 n°18-23.366) mais également celles rendues nécessaire par les tâches qui ont été confiées au salarié (Cass. soc. 14 nov. 2018, n°17-16.959).
2. En la matière, les litiges prud’homaux se concentrent fréquemment sur la question de la preuve des heures supplémentaires.
L’article L.3171-4 du Code du travail prévoit que cette preuve n’incombe pas spécialement à l’employeur ou au salarié.
La Cour de cassation a eu l’occasion de préciser ce régime probatoire dérogatoire. Elle juge désormais de façon constante (Cass. soc., 27 janv. 2021, n°17-31.046) d’une part, qu’il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; et d’autre part, que le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments.
En d’autres termes :
a) Dans un premier temps, le salarié doit présenter au juge des éléments factuels quant aux heures de travail qu’il prétend avoir accomplies, lesquels sont jugés suffisamment précis s’ils permettent à l’employeur d’y répondre.
En pratique, le salarié peut présenter un décompte établi par ses soins sous la forme de tableaux récapitulant les heures accomplies, dès lors que de tels tableaux permettent à l’employeur d’y répondre utilement (Cass. soc. 8 juillet 2020 n°18-26.385).
b) Et, dans un second temps, l’employeur doit fournir ses propres éléments de nature à justifier les horaires réalisés, selon lui, par le salarié.
L’employeur ne peut donc pas se contenter de contester ou critiquer les décomptes horaires produits par le salarié.
La jurisprudence de la Cour de cassation montre qu’elle procède à un contrôle appuyé de ce mécanisme probatoire. Ainsi, dans un arrêt du 27 janvier 2021, elle a ainsi censuré l’arrêt d’une Cour d’appel qui avait débouté le salarié de sa demande alors même que 1/ ce dernier avait présenté un décompte des heures de travail qu’il indiquait avoir accomplies et que 2/ l’employeur n’avait fourni aucun élément de contrôle de la durée du travail et s’était contenté de critiquer ce décompte horaire (Cass. soc., 27 janv. 2021, n°17-31.046).
3. Au-delà de la compensation en salaire ou en repos de chacune des heures supplémentaire, une contrepartie obligatoire sous forme de repos est due au salarié pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel (lequel est fixé par la loi à 220 heures mais peut être fixé à un niveau différent par un accord d’entreprise ou une convention de branche).
Et lorsque le salarié n’a pas été mis en mesure de réclamer cette contrepartie (ce qui est fréquent dans les litiges relatifs à l’existence d’heures supplémentaires non payées), il a droit à une indemnité.
4. L’arrêt du 25 mai 2022 a donné l’occasion à la Cour de cassation de rappeler ces principes (Cass. soc. 25 mai 2022, n°19-23.381).
Dans cette affaire, la Cour d’appel avait condamné l’employeur à verser 15.000 € en paiement d’heures supplémentaires après avoir constaté que les éléments présentés par le salarié sur ses horaires étaient suffisamment précis et que l’employeur, de son côté, n’avait pas fourni de document de contrôle des heures effectuées. L’employeur avait alors formé un pourvoi sur ce point, lequel a été purement et simplement rejeté par la Cour de cassation.
Dans cette même affaire, la Cour d’appel avait, en revanche, rejeté la demande du salarié au titre de l’indemnisation spécifique liée à la contrepartie obligatoire en cas de dépassement du contingent annuel. Pour ce faire, elle avait jugé que le salarié ne produisait pas de décompte probant. La Cour de cassation a, logiquement, censuré cet arrêt sur ce point : puisqu’elle avait retenu que le salarié avait accompli des heures supplémentaires, il appartenait à la Cour d’appel de rechercher si leur volume excédait le contingent annuel et, le cas échéant, d’allouer l’indemnisation spécifique au salarié.
Cass. soc. 25 mai 2022, n°19-23.381