1. Dans un contexte de mondialisation des échanges commerciaux, le recours à la langue anglaise comme mode de communication est désormais la norme au sein des entreprises.
Se pose dans ce cadre la question des obligations de l’employeur et des droits des salariés dans ce cadre.
Il résulte de l’article L.1321-6 du Code du travail que doit être rédigé en français « tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l’exécution de son travail. »
2. Il existe toutefois des exceptions à ce principe :
D’une part, selon ce même article, l’obligation de rédaction en français n’est pas applicable « aux documents reçus de l’étranger ou destinés à des étrangers. ».
La Cour de cassation a ainsi fait application de cette première exception dans un arrêt du 24 juin 2015 (pourvoi n° 14-13.829). Dans cette affaire, un salarié de nationalité américaine réclamait le paiement de la part variable de sa rémunération au motif que les objectifs permettant de calculer son montant étaient rédigés en anglais et ne lui étaient donc pas opposableq. Se fondant sur une jurisprudence constante de la Cour de cassation, il soutenait alors qu’en l’absence d’objectifs valablement fixés, l’employeur devait lui régler sa part variable intégralement.
La Cour de cassation n’a pas validé son raisonnement et, rappelant qu’il était citoyen américain, a confirmé que ses objectifs pouvaient être fixés dans sa langue natale.
D’autre part, la Cour de cassation a consacré, dans un arrêt du 12 juin 2012 (pourvoi n°10-25.822), un deuxième type d’exception tenant à la spécificité de l’activité de l’entreprise et du poste de travail occupé par le salarié.
Dans cette affaire, un syndicat d’Air France avait saisi le Tribunal afin qu’il soit ordonné à l’entreprise de mettre à disposition des salariés, en langue française, divers documents rédigés en langue anglaise. Pour faire droit à cette demande, le Tribunal avait retenu que ces documents ne relevaient pas de l’exception prévue à l’article L.1321-6 du Code du travail, puisqu’ils n’étaient pas reçus de l’étranger et étaient destinés au personnel français.
Pour censurer cette décision, la Cour de cassation a rappelé que, dans le secteur spécifique du transport aérien, le caractère international de l’activité implique l’usage d’une langue commune et que, pour garantir la sécurité des vols, il est exigé des salariés qu’ils soient aptes à lire et comprendre des documents techniques rédigés en langue anglaise. Elle en a déduit qu’il ne pouvait être enjoint à Air France de traduire ces documents en français.
3. En revanche, lorsque les conditions précises tenant à ces exceptions ne sont pas réunies, la Cour de cassation rappelle fermement l’obligation pour l’employeur de rédiger les documents en français, notamment en matière de part variable.
Elle a ainsi retenu dans un arrêt du 7 juin 2023 (pourvoi n°21-20.322) qu’un salarié ne peut être débouté de sa demande de paiement d’une commission dès lors que le document fixant les objectifs nécessaires à la détermination de celle-ci n’était pas rédigé en français, et qu’il n’avait pas été reçu de l’étranger.
Elle avait déjà statué dans le même sens dans un arrêt du 29 juin 2011 (pourvoi n°09-67.492), en précisant que doivent être rédigés en français, non seulement les plans annuels définissant au niveau du groupe les politiques de rémunération variable mais également les objectifs eux-mêmes.
Elle a également précisé dans un arrêt du 3 mai 2018 (pourvoi n°16-13.736), que la seule circonstance que l’activité de l’entreprise est internationale ne suffit pas à exonérer l’employeur de son obligation de rédiger les objectifs en français. Elle se refuse donc à étendre le champ de l’exception de l’arrêt Air France visé ci-dessus et rappelle que l’employeur doit, en plus, démontrer en quoi les spécificités du secteur d’activité et les fonctions occupées par le salarié exigent qu’il connaisse et maîtrise la langue étrangère utilisée.
Cass. soc. 7 juin 2023, n°21-20.322